L’effet placebo en radiologie interventionnelle
L’effet placebo est un phénomène psychologique bien connu et volontiers attaché à une « préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d’un médicament » comme le décrit la Larousse médical. Pour autant, cette connexion très intuitive aux produits médicamenteux ne doit pas faire oublier l’importance de l’effet placebo dans le cadre de la chirurgie, des actes de radiologie interventionnelle mais également diagnostique. C’est ce que rappelle dans cet article le Pr Jean-François Budzik, dans le prolongement d’une présentation remarquée aux Journées Françaises de Radiologie 2019.
Qu’est ce que l’effet placebo ?
La notion d’effet placebo recouvre deux réalités bien distinctes dans l’exercice de la médecine.
Premièrement, le placebo est un moyen nécessaire à l’évaluation d’un traitement selon les données de la science moderne (1). Sans évaluation contre placebo, on ne peut réellement évaluer l’efficacité d’un traitement. Cela est assez facilement applicable pour les thérapeutiques médicamenteuses : il suffit de remplacer la substance testée par une substance inerte de même galénique. Mais ça l’est beaucoup moins pour les procédures de radiologie interventionnelle (RI). Car il est bien démontré que l’interaction physique entre un soignant et un soigné, fût-ce par l’intermédiaire d’une aiguille, est vectrice d’un effet thérapeutique propre (2).
C’est là que réside la seconde réalité. Une célèbre expérience des années 50 a montré qu’une procédure chirurgicale simulée de ligature des artères mammaires (traitement en vogue à l’époque visant à renforcer la vascularisation myocardique) améliorait les symptômes d’angine de poitrine sur une durée pouvant aller jusqu’à un an ! (3)
Comment çà marche ?
Même si la neurobiologie fait des progrès, les mécanismes en œuvre ne sont absolument pas identifiés à ce jour. Ils résident apparemment sur la capacité du cerveau à influencer les sensations physiques. Ceci est d’autant plus vrai qu’il existe une interaction physique et que l’on considère des symptômes purement subjectifs … par exemple la douleur.
A contrario, l’effet nocebo peut également diminuer l’efficacité d’un traitement, ou faire ressentir des effets indésirables … d’un traitement inerte (4) !
Si l’évaluation de l’effet placebo est une entrave à l’évaluation « objective » de procédures d’algologie en RI, il faut avoir conscience de son existence, et en faire un allié dans le soin prodigué aux malades. Effectivement, cet outil relationnel permet d’améliorer le vécu du soin, et pour une certaine part les symptômes. Alors pourquoi en priver le/la malade ? (1)
Comment faire ?
Pour activer l’effet nocebo, c’est facile. Douter devant un malade de l’efficacité d’un traitement. Envisager d’emblée son échec. Ne pas parler au malade. Rentrer dans une pièce, lui mettre une aiguille dans le dos, puis partir. Insister sur les effets indésirables ou les risques d’un traitement. Lui remettre un compte-rendu listant exhaustivement l’ensemble de ses déshydratations discales, de ses pincements, de ses ostéophytes, sans explication visant à dédramatiser ces constats.
Pour activer l’effet placebo, ça demande plus d’investissement mais c’est faisable. En consultation diagnostique. Tout d’abord écouter le malade. L’informer de ce qu’on a trouvé en pondérant et donc en dédramatisant. Par exemple expliquer la très grande fréquences des images arthrosiques en imagerie musculo-squelettique (à ce sujet, gardez toujours à portée de clic cette infographie issue de l’article de Brinjikji (5)). Ce point est aujourd’hui un « standard of care » figurant même dans les recommandations récentes de la HAS (6).
En consultation interventionnelle, écouter le malade. Dépister les signes d’anxiété. Expliquer la procédure pour dédramatiser. Être positif, évidemment sans mentir en exagérant les résultats attendus.
Ainsi, une attitude empathique, ouverte, bienveillante, attentionnée, tend à exclure les éléments négatifs (peur, anxiété, fausses croyances sur sa maladie) qui tendent à augmenter les douleurs.
Le médecin peut être un agent thérapeutique par lui-même
Effectivement, si notre métier a une apparence/réputation très technique, le radiologue d’aujourd’hui peut faire beaucoup pour le malade à travers une communication directe empathique et positive. Outre le bénéfice apporté lors de chaque interaction, diagnostique ou thérapeutique, intégrer pleinement l’échange humain dans l’acte médical radiologique est sans nul doute un gage de qualité, d’attractivité et de pérennité pour notre profession.
Le Professeur Jean-François Budzik est radiologue musculo-squelettique et chef du service d’imagerie de l’Hôpital Saint Philibert/ Saint Vincent de Paul de Lille.
Post-scritpum
Cet article parle d’un sujet complexe dans un format volontairement très court.
Pour ceux et celles que le sujet intéresse, je vous recommande la lecture des articles suivants :
- Article d’un auteur de référence :
- Kaptchuk TJ, Miller FG. Placebo effects in medicine. N Engl J Med 2015; 373(1): 8-9.
- Articles très pédagogiques :
- Sheldon R, Opie-Moran M. The Placebo Effect in Cardiology: understanding and using it. Can J Cardiol. 2017; 33(12): 1535-1542.
- Tavel ME. The placebo effect: the good, the bad, and the ugly. Am J Med 2014; 127(6): 484-488.
REFRENCES UTILES
1. Kaptchuk TJ, Miller FG. Placebo Effects in Medicine. N Engl J Med 2015; 373(1): 8‑9.
2. Manchikanti L, Giordano J, Fellows B, Hirsch JA. Placebo and nocebo in interventional pain management: a friend or a foe–or simply foes? Pain Physician 2011; 14(2): E157-175.
3. Dimond EG, Kittle CF, Crockett JE. Comparison of internal mammary artery ligation and sham operation for angina pectoris. Am J Cardiol 1960; 5: 483‑6.
4. Tavel ME. The placebo effect: the good, the bad, and the ugly. Am J Med 2014; 127(6): 484‑8.
5. Brinjikji W, Luetmer PH, Comstock B, Bresnahan BW, Chen LE, Deyo RA, et al. Systematic literature review of imaging features of spinal degeneration in asymptomatic populations. Am J Neuroradiol 2015; 36(4): 811‑6.
6. Prise en charge du patient présentant une lombalgie commune [Internet]. Haute Autorité de Santé. Disponible sur: https://www.has-sante.fr/jcms/c_2961499/fr/prise-en-charge-du-patient-presentant-une-lombalgie-commune
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