Le PRP : état des lieux en 2021
Le Plasma Riche en Plaquettes, ou « PRP », est un produit dérivé du sang obtenu par centrifugation d’un prélèvement sanguin. Ce procédé permet d’extraire des facteurs de croissance hautement concentrés dont l’injection ciblée aurait de nombreux effets bénéfiques dans les pathologies de l’appareil locomoteur et notamment dans le cadre de la médecine du sport. L’utilisation du PRP a, dans les dernières années, connu un essor considérable et notamment grâce à la possibilité de l’injecter de façon ciblée sous guidage de l’échographie. Décryptage avec le Dr Benjamin Dallaudière, auteur de nombreux articles sur ce thème.
En quelques mots, sur quel postulat l’utilisation du PRP repose-t-il en médecine du sport ?
Sur un plan immunologique, on sait que les facteurs de croissance intervenant dans les processus de cicatrisation sont nombreux (TGF-beta, IGF1, BFGF, PDGF, EGF, VEGF…) et qu’ils ont une origine et des actions variées. Ils permettent notamment la prolifération et la différenciation des cellules mésenchymateuses, la prolifération de fibroblastes et de cellules endothéliales, la synthèse de collagène et la stimulation de l’angiogenèse.
Ces facteurs sont produits et transportés par les plaquettes sanguines qui jouent ainsi, en sus de leur rôle dans l’hémostase, un rôle important dans la cicatrisation des tissus. C’est en fait après l’apparition d’un caillot et la phase d’hémostase primaire que les facteurs de croissance entrent en jeu.
Le postulat est que l’injection de plasma riche en plaquettes (PRP) autologue permet d’augmenter la concentration locale de ces facteurs de croissance dans le but de stimuler l’inflammation et d’accélérer la cicatrisation des lésions tendineuses, myo-conjonctives et articulaires (1-3).
On parle du PRP depuis une dizaine d’année maintenant. Sa supériorité sur les infiltrations cortisonées ou la simple rééducation est-elle prouvée ?
Si les études pré-cliniques sur l’animal et les études in vitro sont très prometteuses et montrent l’optimisation et l’accélération des processus de cicatrisation tissulaire favorisés par le PRP, les études cliniques chez l’homme peinent à en démontrer la supériorité.
En fait, l’interprétation de ces études est rendue difficile par l’hétérogénéité des protocoles mais aussi et surtout des produits utilisés car la dénomination de « PRP » recoupe de très nombreux produits selon leurs procédés de fabrication et leurs concentrations (4-7).
Au total, s’il est exact que la supériorité du PRP n’est pas entièrement prouvée, l’efficacité constatée individuellement après l’injection de ce produit dérivé du sang chez un certain nombre de nos patients incite beaucoup de praticiens à l’utiliser selon un protocole qui leur semble optimisé.
En 2021, dans quelles indications les injections de PRP sont-elles possiblement proposées ?
Les indications actuellement proposées sont les suivantes et ce en cas de pathologie résistante au traitement fonctionnel :
- en pathologie tendineuse : l’épicondylalgie fissuraire (sans communication avec l’articulation sous-jacente) ; l’aponévrosite plantaire fissuraire ; la fissuration interstitielle de la coiffe des rotateurs sans communication avec la BSAD ou l’articulation gléno-humérale (8,9)
- en pathologie musculaire : les lésions musculaires récidivantes, lors de la phase de régénération (J7), avec aspiration de collection concomitante à partir du stade III ; les lésions musculaires cicatricielles, chroniques, douloureuses et avec un aspect fibreux (9,10,11).
- en pathologie articulaire : les lésions dégénératives cartilagineuses à but anti-inflammatoire mais également pour stabiliser le cartilage sain agressé de manière chronique (9, 11).
- en pathologie nerveuse : les conflits disco-radiculaires avec injection épidurale à la place des dérivés cortisonés même si son utilisation reste encore du domaine de la recherche malgré des résultats prometteurs (12).
On a parlé d’une diffusion systémique potentielle de certains PRP. Cela est-il une réalité ?
Dans la littérature animale, le dosage sérique par screening systématique ELISA n’a retrouvé aucune influence de l’injection loco-régionale de PRP (13). Chez l’humain, il existe bien à notre connaissance une seule étude étudiant la concentration sérique de 6 facteurs de croissance chez 25 patients avant puis après injection intra-tendineuse de PRP. Elle a montré une augmentation sérique significative de plusieurs facteurs de croissance (14). Les athlètes étaient suivis pendant 96h avec interdiction de manger ou de pratiquer tout exercice physique 3h avant chaque prélèvement.
En fait, le but de cette étude était surtout de connaître les effets à court terme de l’injection intra-tendineuse de PRP dans le cadre du dopage puisque, si le PRP traite 86000 sportifs aux États-Unis chaque année et n’est pas considérée comme « dopant », l’injection intra-veineuse de facteurs de croissance est interdite par la Word Antidoping Agency.
Cet article a été co-écrit par les Dr Benjamin Dallaudière et Alain Silvestre, radiologues musculo-squelettiques à la Clinique du sport de Bordeaux-Mérignac. Ils sont les auteurs du livre « Plasma enrichi en plaquettes en pathologie musculo-squelettique » (Ed. Sauramps).
Bibliographie
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3. Beitzel K, McCarthy MB, Russell RP, Apostolakos J, Cote MP, Mazzocca AD. Learning about PRP using cell-based models. Muscles Ligaments Tendons J 2014; 4: 38–45.
4. Brukner P. Hamstring injuries: prevention and treatment-an update. Br J Sports Med 2015; 49: 1241–4.
5. Middleton KK, Barro V, Muller B, Terada S, Fu FH. Evaluation of the effects of platelet-rich plasma (PRP) therapy involved in the healing of sports-related soft tissue injuries. Iowa Orthop J 2012; 32: 150–63.
6. Pietrzak WS, Eppley BL. Platelet rich plasma: biology and new technology. J Craniofac Surg 2005; 16: 1043–54.
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8. Dallaudière B, Pesquer L, Meyer P, Silvestre A, Perozziello A, Peuchant A, Durieux MH, Loriaut P, Hummel V, Boyer P, Schouman-Claeys E, Serfaty JM. Intratendinous injection of platelet-rich plasma under US guidance to treat tendinopathy: a long-term pilot study. J Vasc Interv Radiol. 2014; 25(5): 717-23.
9. Dallaudière B, Silvestre A et al. Plasma enrichi en plaquettes en pathologie musculo-squelettique, Sauramps medical, 2016.
10. Grassi A, Napoli F, Romandini I, Samuelsson K, Zaffagnini S, Candrian C, Filardo G. Is Platelet-Rich Plasma (PRP) Effective in the Treatment of Acute Muscle Injuries? A Systematic Review and Meta-Analysis. Sports Med. 2018 Apr;48(4):971-989.
11. Pintat J, Silvestre A, Magalon G, Gadeau AP, Pesquer L, Perozziello A, Peuchant A, Mounayer C, Dallaudière B Intra-articular Injection of Mesenchymal Stem Cells and Platelet-Rich Plasma to Treat Patellofemoral Osteoarthritis: Preliminary Results of a Long-Term Pilot Study. J Vasc Interv Radiol. 2017
12. Bise S, Dallaudiere B, Pesquer L, Pedram M, Meyer P, Antoun MB, Hocquelet A, Silvestre A. Comparison of interlaminar CT-guided epidural platelet-rich plasma versus steroid injection in patients with lumbar radicular pain. Eur Radiol. 2020 Jun;30(6): 3152-3160.
13. Dallaudiere B, Louedec L, Lenet MP, Pesquer L, Blaise E, Perozziello A, Michel JB, Moinard M, Meyer P, Serfaty JM The molecular systemic and local effects of intra-tendinous injection of Platelet Rich Plasma in tendinosis: preliminary results on a rat model with ELISA method. Muscles Ligaments Tendons J. 2015
14. Wasterlain AS, Braun HJ, Harris AH, Kim HJ, Dragoo JL. The systemic effects of platelet-rich plasma injection, Am J Sports Med. 2013 Jan; 41(1):186-93.
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