L’habilitation, un outil de maîtrise des compétences en RI
L’habilitation des professionnels d’imagerie au poste de travail est imposée par l’ASN. Si elle est classique en biologie médicale, cette exigence d’habilitation est nouvelle dans notre spécialité d’imagerie médicale.
Elle ne doit pas être vécue comme une obligation réglementaire mais comme une opportunité de mieux gérer et maîtriser les compétences des professionnels de l’imagerie et in fine de mieux maîtriser les risques. Cela est particulièrement vrai en radiologie interventionnelle.
Pourquoi parler d’habilitation en radiologie interventionnelle ?
D’une part, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a publié en février 2019 la décision no 2019-DC-0660 « fixant les obligations d’assurance de la qualité en imagerie médicale mettant en œuvre des rayonnements ionisants ». Elle impose de mettre en place une démarche de management de la qualité et de gestion des risques en radioprotection. L’article 9 de cette décision prévoit que « Sont décrites dans le système de gestion de la qualité les modalités d’habilitation au poste de travail, … ».
D’autre part, le développement rapide de la radiologie interventionnelle, en particulier pour la prise en charge des pathologies ostéo-articulaires, nécessite des savoirs et des compétences spécifiques, que ce soit pour les médecins radiologues qui posent ou valident les indications et réalisent les actes, les manipulateurs qui y participent ou les secrétaires médicales qui gèrent les rendez-vous et les dossiers et accueillent les patients.
Qui délivre les habilitations ?
L’habilitation est la reconnaissance par l’employeur de la capacité d’une personne placée sous son autorité à accomplir les tâches qui lui sont confiées. Elle garantit l’aptitude du professionnel à exercer une activité avec compétence. Habiliter un professionnel à un poste de travail, c’est donc reconnaître qu’il a les connaissances et les qualifications attendues pour assurer l’activité sur ce poste. Ainsi, l’habilitation est la reconnaissance et la validation d’un savoir théorique et d’un savoir-faire opérationnel.
L’habilitation est délivrée par l’employeur. C’est logique, puisque c’est lui qui a la responsabilité de gérer les ressources humaines, de vérifier les diplômes à l’embauche puis d’organiser la formation continue pour mettre à jour les compétences et les maintenir à niveau.
Sur quels critères délivrer l’habilitation ?
Pour habiliter un professionnel à un poste de travail, il faudra donc définir des critères qualitatifs et quantitatifs d’habilitation. Ce n’est pas toujours facile. Ils varient évidemment selon le métier.
Certains critères sont imposés par la réglementation. Ce sont d’ailleurs des pré-requis à l’affectation au poste de travail : formation initiale exigée, formations imposées par la réglementation, comme par exemple, les formations à la radioprotection des travailleurs et des patients.
D’autres sont propres à chaque activité et/ou à chaque site d’imagerie : autres formations continues attendues, expérience du professionnel sur le poste de travail, volume d’activité minimal nécessaire par opérateur et pour chaque catégorie d’actes, mises en situation et évaluations de pratiques. Cette liste n’est pas exhaustive.
Pour les radiologues les plus jeunes, le programme du DES de radiologie et imagerie médicale prévoit une option « radiologie interventionnelle avancée » visant à assurer « l’apprentissage et la maîtrise des actes de radiologie interventionnelle avancés, complexes, distincts des actes de RI dits simples, acquis par tous les DES de radiologie en phase d’approfondissement. » Il précise également les modalités de l’évaluation des connaissances et des compétences.
Quelles sont les modalités de délivrance et de maintien d’une habilitation ?
L’habilitation au poste de travail doit se faire à l’arrivée du professionnel dans le site d’imagerie, lors d’un changement de poste, lors d’un changement d’équipement (pour valider l’aptitude à manipuler le nouvel équipement), après modification d’un équipement déjà installé ou lors de l’introduction d’une nouvelle technique. La question de la re-validation de l’habilitation après une absence prolongée au poste de travail peut se poser.
Ainsi, chaque professionnel qui fera de la radiologie interventionnelle recevra une habilitation pour réaliser les différentes catégories d’actes, selon ses domaines de compétences. Selon les cas, l’habilitation peut être partielle (c’est-à-dire pour réaliser certains actes uniquement), ou totale (pour tous les actes). Un même professionnel peut être habilité pour plusieurs postes de travail (c’est-à-dire plusieurs modalités) et/ou plusieurs activités.
La décision de l’ASN n’impose pas de définir les modalités de suivi des compétences après habilitation, mais cette question doit être également traitée.
Quelles sont les preuves à apporter ?
Pour prouver la conformité des compétences du professionnel à son poste de travail, il convient de réunir les éléments de preuve et de traçabilité qui permettent de démontrer la maîtrise des savoirs et des savoir-faire.
C’est par exemple, les diplômes, les fiches de fonction, les attestations de formation professionnelles continues, (dans le cadre ou non du DPC, formations à un nouvel équipement, une nouvelle technique, un nouveau logiciel, un nouveau dispositif médical, etc.), mais aussi les attestations de formations complémentaires lors des mises à niveau et des changements de version de ces outils, les évaluation lors de mises en situation, les contrôles de la qualité des actes réalisés, les audits du respect des protocoles, la comptabilisation du nombre d’actes réalisés (notion de courbe d’expérience), les participations aux congrès, aux séminaires, aux journées d’information, aux staffs, la lecture de la presse spécialisée, la participation aux comités de retour d’expérience (CREX) internes, aux CREX/RMM des services de soins, les résultats de tests de connaissance, etc. Cette liste n’est pas exhaustive.
Chaque professionnel recevra donc une habilitation qui sera tracée dans une fiche personnelle d’habilitation. Il est également recommandé de réaliser une cartographie des habilitations par catégorie professionnelle et de la tenir à jour. La forme de cette cartographie peut être très simple. Par exemple, puisque tous les médecins radiologues ne réalisent pas tous les actes de radiologie interventionnelle, un tableau de compétences qui précise qui fait quoi peut suffire.
En conclusion
Ainsi, habiliter les professionnels d’une équipe de RI, c’est faire plus que répondre à une exigence règlementaire imposée par l’ASN. C’est un moyen de maîtriser et de valoriser les compétences et les savoir-faire des équipes de RI. Communiquer sur ces habilitations peut également être un faire-valoir de la radiologie interventionnelle.
Le Docteur Hervé Leclet est radiologue musculo-squelettique et spécialiste des démarches d’organisation en imagerie médicale au sein de la société de conseil Santopta.
“... l’habilitation est la reconnaissance et la validation d’un savoir théorique et d’un savoir-faire opérationnel”
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