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Gérard Morvan #2

#2 L’imagerie MSK à l’épreuve du temps

Après la publication d’un recueil de ses meilleures présentations sur le thème de la colonne vertébrale, Gérard Morvan nous livre sa vision sur l’évolution de l’imagerie musculo-squelettique à travers les dernières décennies et jusqu’à l’arrivée de l’intelligence artificielle.

L’imagerie musculo-squelettique a connu dans les trente dernières années plusieurs révolutions avec l’avènement de l’IRM puis de l’échographie. En quoi ces outils ont-ils changé notre pratique radiologique?

Avant cela, j’ai connu le bouleversement qu’a entraîné l’arrivée du scanner. Parmi les millions d’images que j’ai vues, les deux qui m’ont le plus fortement marquées au cours de toute ma carrière furent en 1978 celle du premier hématome extra-dural au scanner, sans artériographie, lors d’une grande garde de neurochirurgie … et, quelques années plus tard, la première coupe TDM axiale de la colonne. Nous basculions dans un autre monde ! On a du mal, de nos jours, à se rendre compte de l’intensité de l’émotion suscitée par ces premières images pixellisées qui nécessitaient plusieurs minutes d’acquisition par coupe !

Progressivement, la diffusion du scanner à tout le système moteur nous a obligé à inventer une sémiologie, inexistante à l’époque et pour cause… Ce fut une période exaltante où nous avions l’impression d’être des explorateurs débarquant sur une terre inconnue.

La même expérience s’est répétée avec l’IRM et l’échographie. Au fur et à mesure, nos pratiques se sont modifiées, devenant à chaque fois plus performantes et moins agressives. J’ai pleinement conscience d’avoir eu une vie professionnelle particulièrement riche et exaltante.

De quelle manière les radiologues déjà installés se sont-ils, à travers cette période, accoutumés à l’utilisation de ces nouveaux outils ?

Ce fut une longue histoire, typiquement française. Dans notre pays, nous n’avons pas de pétrole, mais nous sommes en revanche les champions toutes catégories des usines à gaz ! Et l’installation des différentes imageries lourdes en libéral en fut une. Avec mon équipe, nous avons eu le premier scanner corps entier libéral de France, une des premières IRM, le deuxième EOS, au prix de multiples dossiers, d’autorisations administratives tatillonnes, de lenteurs, de complications, et d’aléas de tous poils.

À chaque fois nous avons, d’un commun accord, modifié nos protocoles de façon à y intégrer les nouvelles techniques offertes par ces appareils, après avoir consacré des mois, parfois des années, à apprendre ces nouvelles sémiologies qui s’offraient à nous.

Des révolutions plus feutrées ont également eu lieu récemment. Avez-vous l’expérience du capteur plan, du cone-beam et du scanner double énergie ?

La quasi-totalité de nos salles de radiographie est équipée de capteurs-plan. Nous avons fait l’essai du cone-beam à titre expérimental dans l’étude bi et tridimensionnelle du pied et de la cheville ainsi que du genou en charge. Cette essai a dû être abandonné pour des raisons techniques et je le regrette. Notre dernier scanner est à double énergie avec un logiciel de suppression des artéfacts métalliques. Cela nous a fait considérablement progresser, notamment dans le domaine de l’imagerie des prothèses, auquel nous nous consacrons très activement depuis plusieurs années, y compris en IRM. Cette dernière application de l’IRM nous semble non seulement digne d’intérêt, mais potentiellement révolutionnaire.

Que reste t-il en 2020 de de la radiographie standard?

La radiographie standard n’a rien d’obsolète et reste chez nous l’examen le plus demandé, avant l’échographie et l’imagerie en coupes, qu’elle complète à merveille. Nous sommes restés très exigeants quant à sa technique : images sur films de taille 1/1, incidences rigoureusement exécutées, bilatérales et comparatives, en charge, clichés dynamiques…

Nous prêtons une attention beaucoup plus grande que dans le passé à l’irradiation et utilisons volontiers le système EOS, non seulement pour l’étude de la statique spino-pelvienne et des membres inférieurs mais aussi pour des clichés morphologiques à basse dose chez les jeunes.

L’intelligence artificielle nous est présentée comme une rupture technologique qui devrait révolutionner l’imagerie médicale. À votre avis, à quoi ressemblera dans ce contexte notre pratique dans les prochaines décennies ?

Pourquoi dans les prochaines décennies ? Nous l’utilisons déjà au quotidien. Je l’utilise en ce moment pour taper ce texte. L’intelligence artificielle, que je préfère nommer « intelligence augmentée », nous aidera à faire un premier tri en repérant les images anormales ou inhabituelles sur les clichés ou l’imagerie en coupes, nous servira à caractériser des lésions en fonction de leurs signes sémiologiques, constamment augmentés et remis à jour, à suggérer des diagnostics en fonction de leur probabilité, à chiffrer l’évolution d’une lésion sur deux examens successifs…

Bref elle sera notre co-pilote, mais il faudra toujours un pilote dans l’avion. Sa présence, loin de me faire peur, me rassure.

Gérard Morvan est radiologue libéral et membre éminent de la Société d’Imagerie Musculo-Squelettique (SIMS), de l’Académie de Médecine et de l’Académie de Chirurgie. Il ne déclare pas de lien d’intérêt.

Pour en savoir plus sur ce recueil en ligne, consulter la page de la formation

“La radiographie standard n'a rien d'obsolète et reste chez nous l'examen le plus demandé”


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